Histoire du Consulat et de l'Empire, (Vol. 7 / 20) (Illustrated)
C'était, de la part de la Prusse, une grande imprudence que d'entrer en lutte avec Napoléon, dans un moment où l'armée française, revenant d'Austerlitz, était encore au centre de l'Allemagne, et plus capable d'agir qu'aucune armée ne le fut jamais. C'était surtout une grande inconséquence à elle de se précipiter seule dans la guerre, après n'avoir pas osé s'y engager l'année précédente, lorsqu'elle aurait eu pour alliés l'Autriche, la Russie, l'Angleterre, la Suède, Naples. Maintenant au contraire l'Autriche, épuisée par ses derniers efforts, irritée de l'indifférence qu'on lui avait témoignée, était résolue à demeurer à son tour paisible spectatrice des malheurs d'autrui. La Russie se trouvait replacée à sa distance naturelle par la retraite de ses troupes sur la Vistule. L'Angleterre, courroucée de l'occupation du Hanovre, avait déclaré la guerre à la Prusse. La Suède avait suivi cet exemple. Naples n'existait plus. Il est vrai que tout ami de la France, devenu son ennemi, pouvait certainement compter sur un prompt retour de l'Angleterre et des auxiliaires qu'elle avait à sa solde. Mais il fallait s'expliquer avec le cabinet britannique, et commencer tout d'abord par la restitution du Hanovre, ce qui ne serait jamais résulté, du moins sans compensation, des plus mauvaises relations avec la France. La Russie, quoique revenue de ses premiers rêves de gloire, était cependant disposée à tenter encore une fois la fortune des armes, en compagnie des troupes prussiennes, les seules en Europe qui lui inspirassent confiance. Mais il devait s'écouler plusieurs mois avant que ses armées pussent entrer en ligne, et d'ailleurs il s'en fallait qu'elle voulût les porter aussi loin qu'en 1805. La Prusse était donc, pour quelque temps, exposée à se trouver seule devant Napoléon. Elle allait le rencontrer en octobre 1806 au milieu de la Saxe, comme l'Autriche l'avait rencontré en octobre 1805 au milieu de la Bavière, avec cette différence fort désavantageuse pour elle, qu'il n'avait plus à vaincre l'obstacle des distances, puisqu'au lieu d'être campé sur les bords de l'Océan, il était au sein même de l'Allemagne, n'ayant que deux ou trois marches à faire pour atteindre la frontière prussienne.

Illusion de l'Europe à l'égard des troupes prussiennes.
Il n'y avait que le plus fatal égarement qui pût expliquer la conduite de la Prusse; mais tel est l'esprit de parti, telles sont ses illusions incurables, que de toutes parts on regardait cette guerre comme pouvant offrir des chances imprévues, et ouvrir à l'Europe vaincue un avenir nouveau. Napoléon avait triomphé, disait-on, de la faiblesse des Autrichiens, de l'ignorance des Russes, mais on allait le voir cette fois en présence des élèves du grand Frédéric, seuls héritiers des véritables traditions militaires, et peut-être au lieu d'Austerlitz il trouverait Rosbach! À force de répéter de semblables propos, on avait presque fini par y croire, et les Prussiens, qui auraient dû trembler à l'idée d'une rencontre avec les Français, avaient pris en eux-mêmes la plus étrange confiance. Les esprits sages néanmoins savaient ce qu'il fallait penser de ces folles espérances, et à Vienne on ressentait un mélange de surprise et de satisfaction en voyant ces Prussiens si vantés, mis à leur tour à l'épreuve, et opposés à ce capitaine qui n'avait dû sa gloire, assurait-on, qu'à la dégénération de l'armée autrichienne. Il y eut donc un moment de joie chez les ennemis de la France, qui crurent que le terme de sa grandeur était arrivé. Ce terme devait arriver malheureusement, mais pas sitôt, et seulement après des fautes, dont aucune alors n'avait été commise!

Opinion de Napoléon sur les chances de la guerre de Prusse.
Napoléon n'avait pas, quant à lui, le moindre souci au sujet de la prochaine guerre. Il ne connaissait pas les Prussiens, car il ne les avait jamais rencontrés sur le champ de bataille. Mais il se disait que ces Prussiens, auxquels on prêtait tous les mérites depuis qu'ils étaient devenus ses adversaires, avaient obtenu contre les Français inexpérimentés de 1792, encore moins de succès que les Autrichiens, et que,
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Histoire du Consulat et de l'Empire, (Vol. 7 / 20) (Illustrated)
C'était, de la part de la Prusse, une grande imprudence que d'entrer en lutte avec Napoléon, dans un moment où l'armée française, revenant d'Austerlitz, était encore au centre de l'Allemagne, et plus capable d'agir qu'aucune armée ne le fut jamais. C'était surtout une grande inconséquence à elle de se précipiter seule dans la guerre, après n'avoir pas osé s'y engager l'année précédente, lorsqu'elle aurait eu pour alliés l'Autriche, la Russie, l'Angleterre, la Suède, Naples. Maintenant au contraire l'Autriche, épuisée par ses derniers efforts, irritée de l'indifférence qu'on lui avait témoignée, était résolue à demeurer à son tour paisible spectatrice des malheurs d'autrui. La Russie se trouvait replacée à sa distance naturelle par la retraite de ses troupes sur la Vistule. L'Angleterre, courroucée de l'occupation du Hanovre, avait déclaré la guerre à la Prusse. La Suède avait suivi cet exemple. Naples n'existait plus. Il est vrai que tout ami de la France, devenu son ennemi, pouvait certainement compter sur un prompt retour de l'Angleterre et des auxiliaires qu'elle avait à sa solde. Mais il fallait s'expliquer avec le cabinet britannique, et commencer tout d'abord par la restitution du Hanovre, ce qui ne serait jamais résulté, du moins sans compensation, des plus mauvaises relations avec la France. La Russie, quoique revenue de ses premiers rêves de gloire, était cependant disposée à tenter encore une fois la fortune des armes, en compagnie des troupes prussiennes, les seules en Europe qui lui inspirassent confiance. Mais il devait s'écouler plusieurs mois avant que ses armées pussent entrer en ligne, et d'ailleurs il s'en fallait qu'elle voulût les porter aussi loin qu'en 1805. La Prusse était donc, pour quelque temps, exposée à se trouver seule devant Napoléon. Elle allait le rencontrer en octobre 1806 au milieu de la Saxe, comme l'Autriche l'avait rencontré en octobre 1805 au milieu de la Bavière, avec cette différence fort désavantageuse pour elle, qu'il n'avait plus à vaincre l'obstacle des distances, puisqu'au lieu d'être campé sur les bords de l'Océan, il était au sein même de l'Allemagne, n'ayant que deux ou trois marches à faire pour atteindre la frontière prussienne.

Illusion de l'Europe à l'égard des troupes prussiennes.
Il n'y avait que le plus fatal égarement qui pût expliquer la conduite de la Prusse; mais tel est l'esprit de parti, telles sont ses illusions incurables, que de toutes parts on regardait cette guerre comme pouvant offrir des chances imprévues, et ouvrir à l'Europe vaincue un avenir nouveau. Napoléon avait triomphé, disait-on, de la faiblesse des Autrichiens, de l'ignorance des Russes, mais on allait le voir cette fois en présence des élèves du grand Frédéric, seuls héritiers des véritables traditions militaires, et peut-être au lieu d'Austerlitz il trouverait Rosbach! À force de répéter de semblables propos, on avait presque fini par y croire, et les Prussiens, qui auraient dû trembler à l'idée d'une rencontre avec les Français, avaient pris en eux-mêmes la plus étrange confiance. Les esprits sages néanmoins savaient ce qu'il fallait penser de ces folles espérances, et à Vienne on ressentait un mélange de surprise et de satisfaction en voyant ces Prussiens si vantés, mis à leur tour à l'épreuve, et opposés à ce capitaine qui n'avait dû sa gloire, assurait-on, qu'à la dégénération de l'armée autrichienne. Il y eut donc un moment de joie chez les ennemis de la France, qui crurent que le terme de sa grandeur était arrivé. Ce terme devait arriver malheureusement, mais pas sitôt, et seulement après des fautes, dont aucune alors n'avait été commise!

Opinion de Napoléon sur les chances de la guerre de Prusse.
Napoléon n'avait pas, quant à lui, le moindre souci au sujet de la prochaine guerre. Il ne connaissait pas les Prussiens, car il ne les avait jamais rencontrés sur le champ de bataille. Mais il se disait que ces Prussiens, auxquels on prêtait tous les mérites depuis qu'ils étaient devenus ses adversaires, avaient obtenu contre les Français inexpérimentés de 1792, encore moins de succès que les Autrichiens, et que,
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Histoire du Consulat et de l'Empire, (Vol. 7 / 20) (Illustrated)

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by Adolphe Thiers
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C'était, de la part de la Prusse, une grande imprudence que d'entrer en lutte avec Napoléon, dans un moment où l'armée française, revenant d'Austerlitz, était encore au centre de l'Allemagne, et plus capable d'agir qu'aucune armée ne le fut jamais. C'était surtout une grande inconséquence à elle de se précipiter seule dans la guerre, après n'avoir pas osé s'y engager l'année précédente, lorsqu'elle aurait eu pour alliés l'Autriche, la Russie, l'Angleterre, la Suède, Naples. Maintenant au contraire l'Autriche, épuisée par ses derniers efforts, irritée de l'indifférence qu'on lui avait témoignée, était résolue à demeurer à son tour paisible spectatrice des malheurs d'autrui. La Russie se trouvait replacée à sa distance naturelle par la retraite de ses troupes sur la Vistule. L'Angleterre, courroucée de l'occupation du Hanovre, avait déclaré la guerre à la Prusse. La Suède avait suivi cet exemple. Naples n'existait plus. Il est vrai que tout ami de la France, devenu son ennemi, pouvait certainement compter sur un prompt retour de l'Angleterre et des auxiliaires qu'elle avait à sa solde. Mais il fallait s'expliquer avec le cabinet britannique, et commencer tout d'abord par la restitution du Hanovre, ce qui ne serait jamais résulté, du moins sans compensation, des plus mauvaises relations avec la France. La Russie, quoique revenue de ses premiers rêves de gloire, était cependant disposée à tenter encore une fois la fortune des armes, en compagnie des troupes prussiennes, les seules en Europe qui lui inspirassent confiance. Mais il devait s'écouler plusieurs mois avant que ses armées pussent entrer en ligne, et d'ailleurs il s'en fallait qu'elle voulût les porter aussi loin qu'en 1805. La Prusse était donc, pour quelque temps, exposée à se trouver seule devant Napoléon. Elle allait le rencontrer en octobre 1806 au milieu de la Saxe, comme l'Autriche l'avait rencontré en octobre 1805 au milieu de la Bavière, avec cette différence fort désavantageuse pour elle, qu'il n'avait plus à vaincre l'obstacle des distances, puisqu'au lieu d'être campé sur les bords de l'Océan, il était au sein même de l'Allemagne, n'ayant que deux ou trois marches à faire pour atteindre la frontière prussienne.

Illusion de l'Europe à l'égard des troupes prussiennes.
Il n'y avait que le plus fatal égarement qui pût expliquer la conduite de la Prusse; mais tel est l'esprit de parti, telles sont ses illusions incurables, que de toutes parts on regardait cette guerre comme pouvant offrir des chances imprévues, et ouvrir à l'Europe vaincue un avenir nouveau. Napoléon avait triomphé, disait-on, de la faiblesse des Autrichiens, de l'ignorance des Russes, mais on allait le voir cette fois en présence des élèves du grand Frédéric, seuls héritiers des véritables traditions militaires, et peut-être au lieu d'Austerlitz il trouverait Rosbach! À force de répéter de semblables propos, on avait presque fini par y croire, et les Prussiens, qui auraient dû trembler à l'idée d'une rencontre avec les Français, avaient pris en eux-mêmes la plus étrange confiance. Les esprits sages néanmoins savaient ce qu'il fallait penser de ces folles espérances, et à Vienne on ressentait un mélange de surprise et de satisfaction en voyant ces Prussiens si vantés, mis à leur tour à l'épreuve, et opposés à ce capitaine qui n'avait dû sa gloire, assurait-on, qu'à la dégénération de l'armée autrichienne. Il y eut donc un moment de joie chez les ennemis de la France, qui crurent que le terme de sa grandeur était arrivé. Ce terme devait arriver malheureusement, mais pas sitôt, et seulement après des fautes, dont aucune alors n'avait été commise!

Opinion de Napoléon sur les chances de la guerre de Prusse.
Napoléon n'avait pas, quant à lui, le moindre souci au sujet de la prochaine guerre. Il ne connaissait pas les Prussiens, car il ne les avait jamais rencontrés sur le champ de bataille. Mais il se disait que ces Prussiens, auxquels on prêtait tous les mérites depuis qu'ils étaient devenus ses adversaires, avaient obtenu contre les Français inexpérimentés de 1792, encore moins de succès que les Autrichiens, et que,

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BN ID: 2940148352402
Publisher: Lost Leaf Publications
Publication date: 01/16/2014
Sold by: Barnes & Noble
Format: eBook
File size: 636 KB
Language: French
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