La femme de Dieu
Élisabeth, grande actrice, affiche une beauté imperturbable malgré le temps qui passe. Son mari, qui est aussi son metteur en scène, collectionne les maîtresses. Mais on dirait qu’elle ne s’en rend pas compte. Pas plus que leur fille unique, qui
admire ses parents avec un acharnement sans faille.
Or à la vie comme à la scène, l’illusion réserve bien des surprises, et la naïveté n’est pas toujours là où l’on croit.
Suivant les pas de la femme trompée aussi bien que ceux de la maîtresse prête à tout pour avoir un enfant, Judith Sibony circule entre les coulisses de la création théâtrale et celles de la procréation médicale. Deux univers où chaque personnage fait face à une même hantise : la peur de passer à côté de sa vie.
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La femme de Dieu
Élisabeth, grande actrice, affiche une beauté imperturbable malgré le temps qui passe. Son mari, qui est aussi son metteur en scène, collectionne les maîtresses. Mais on dirait qu’elle ne s’en rend pas compte. Pas plus que leur fille unique, qui
admire ses parents avec un acharnement sans faille.
Or à la vie comme à la scène, l’illusion réserve bien des surprises, et la naïveté n’est pas toujours là où l’on croit.
Suivant les pas de la femme trompée aussi bien que ceux de la maîtresse prête à tout pour avoir un enfant, Judith Sibony circule entre les coulisses de la création théâtrale et celles de la procréation médicale. Deux univers où chaque personnage fait face à une même hantise : la peur de passer à côté de sa vie.
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La femme de Dieu

La femme de Dieu

by Judith Sibony
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Overview

Élisabeth, grande actrice, affiche une beauté imperturbable malgré le temps qui passe. Son mari, qui est aussi son metteur en scène, collectionne les maîtresses. Mais on dirait qu’elle ne s’en rend pas compte. Pas plus que leur fille unique, qui
admire ses parents avec un acharnement sans faille.
Or à la vie comme à la scène, l’illusion réserve bien des surprises, et la naïveté n’est pas toujours là où l’on croit.
Suivant les pas de la femme trompée aussi bien que ceux de la maîtresse prête à tout pour avoir un enfant, Judith Sibony circule entre les coulisses de la création théâtrale et celles de la procréation médicale. Deux univers où chaque personnage fait face à une même hantise : la peur de passer à côté de sa vie.

Product Details

ISBN-13: 9782234085442
Publisher: Stock
Publication date: 08/22/2018
Series: La Bleue
Sold by: Hachette Digital, Inc.
Format: eBook
File size: 881 KB
Language: French

About the Author

Judith Sibony, 38 ans, vit et travaille à Paris. La Femme de Dieu est son premier roman.

Read an Excerpt

CHAPTER 1

Partir

Quand Robert s'installa dans la salle déjà pleine, il comprit aussitôt son erreur.

Pour sa nouvelle pièce, il avait voulu que le public soit « face à lui-même », alors on avait fait disposer les sièges de part et d'autre du plateau, de sorte que la moitié des spectateurs regardait l'autre comme dans un miroir. Cet arrangement avait d'abord enchanté le metteur en scène. « Deux montagnes de gradins avec la scène qui coule au milieu, c'est presque un événement géologique, notre installation », avait-il dit aux machinistes à la fin des répétitions. Pourtant, ce paysage présentait un inconvénient auquel il n'avait pas pensé jusqu'à ce soir: dans la salle ainsi configurée, se cacher au dernier rang, comme il faisait toujours, revenait à trôner en haut d'un des sommets. Impossible d'être là sans être vu.

C'était le soir de la première et Robert Pirel se trouvait donc à découvert. Est-ce pour cela qu'il avait d'emblée ressenti l'envie de partir? Ça ne se fait pas de quitter son propre spectacle; ni au début, ni au milieu, ni même à la fin. Un metteur en scène n'a pas le droit de tourner le dos à son public, encore moins à ses acteurs. Robert le savait trop bien, mais il n'avait plus la force. Il songea qu'on lui inventerait des excuses, ce qui l'exaspéra davantage.

À force de froisser le programme qu'il tenait dans les mains, il finit par relire sa note d'intention, en première page, et il eut honte.

« Entre fausses illusions et vérités inconcevables, Dernier Cri avant l'orage parle de notre rapport impossible à la réalité. Malgré sa beauté et son brio, Carla, l'héroïne, est minée par la jalousie. Elle a pris pour cible la jeune fille qui garde ses enfants. Elle la traque; elle l'admire; et cependant, quand celle-ci couche avec son mari, elle ne s'en aperçoit pas. Alors qu'elle croit poser un regard lucide sur une rivale virtuelle, elle s'applique à occulter la réalité, la trahison. Comment peut-on être à la fois clairvoyant et aveugle? Voilà le mystère que je veux mettre en scène. »

Cette façon d'enfiler comme des perles le réel, l'imaginaire, la vérité et les malentendus lui avait soudain paru d'une grossièreté inouïe. Il serait parti à ce moment-là, s'il ne s'était pas senti l'otage de son grand « face-à-face » au public avec lui-même.

Alors il attendit, et il regarda son spectacle. Chaque détail était conforme aux répétitions. Changements de décor en un clin d'œil, déplacements millimétrés, éclairages impeccables. « Pourquoi est-ce qu'ils font exactement ce que je leur dis? », avait-il pensé. Il était fatigué; las de faire toujours la même chose, et de rencontrer toujours le même enthousiasme.

Dans sa jeunesse, il disait que c'était un exploit politique de savoir plaire aux foules. Et puis ses créations s'étaient mises à afficher complet avant même d'avoir vu le jour. Dès lors, il avait commencé à se sentir vieillir très vite. Ce qu'il voulait, c'était conquérir le public, pas être un auteur à succès.

À présent qu'il était résigné à faire ce à quoi tout le monde s'attend, il travaillait de moins en moins, et les gens raffolaient de ses scènes à peine relues puisque à peine écrites. Des situations et des idées quotidiennes, plongées dans une ambiance mystérieuse, avec des voix amplifiées comme au cinéma. Les spectateurs trouvaient ça à la fois proche d'eux et féerique. « Un jour, se dit Pirel au beau milieu de sa pièce, quelqu'un se rendra compte. On dénoncera ce rien enrobé de son et lumière. » Pour l'heure, l'adhésion était totale. Aucune critique en vue; juste des applaudissements. Juste ce rituel qui veut qu'à peine la performance achevée l'assemblée se dresse comme un seul homme pour faire du bruit avant qu'une seconde de silence ne soit écoulée. « Une petite seconde de silence, ce serait trop de beauté », avait pensé Robert quand les premiers claquements s'étaient fait entendre. C'est à cet instant qu'il était parti.

En descendant les escaliers dans le noir, il avait caressé l'idée de tout arrêter. « Enfin un geste radical. » Mais il était obligé de créer chaque année sa nouvelle mise en scène depuis vingt ans, il jurait aux femmes avec qui il couchait de leur donner du travail à vie. À défaut d'engagement, il leur offrait la certitude d'être engagées au théâtre. C'est une promesse qu'il respectait avec une fidélité sans faille, y compris pour sa propre épouse. Cette contrainte avait fini par lui tenir lieu d'inspiration. Tous ces personnages féminins parfaitement inutiles à l'action constituaient en effet une trouvaille singulière. Soubrettes, suivantes ou confidentes inventées juste pour le plaisir; belles-mères encombrantes; grandes sœurs surgies de nulle part. Plus les rôles étaient artificiels, plus on lui demandait sérieusement comment il avait inventé des êtres « aussi originaux ». Il ne savait évidemment pas quoi répondre. Ça l'amusait de transformer une lubie intime en discipline artistique.

Avant de filer par l'entrée des artistes, le metteur en scène entrouvrit légèrement la porte du hall, pour observer la cohue chic autour du buffet. Les gens avaient l'air contents et fatigués. Robert, qui se soustrayait pour la première fois de sa vie à l'incontournable « pot de première », se félicita d'avoir improvisé cette cachette. Pouvoir contempler le public en restant dans le noir. Mettre tranquillement des visages sur cette somme d'inconnus à qui il s'adressait à longueur de créations. Hélas, des cris d'enthousiasme vinrent bien vite interrompre sa rêverie. « Quelle merveille! », « quelle émotion! », « formidable, hein! ». Il s'empressa de refermer la porte et s'en alla sans regret.

La rue était humide. Robert respirait profondément pour savourer sa liberté, mais, au bout de quelques pas, l'air glacé fut recouvert par une odeur effrayante. Un vieillard était étendu là, dans un renfoncement du trottoir. Pirel s'approcha pour voir si l'homme dormait vraiment. Celui-ci ne bougea pas, même quand le metteur en scène fit tinter une pièce dans son gobelet rempli de monnaie rouge. On entendait son souffle régulier. Pirel ne songea ni à l'alcool, ni à la drogue, ni à la faim, qui pouvaient expliquer ces demi-comas. Il était ébloui qu'on puisse s'endormir comme ça en pleine rue, et il eut une pensée pour Élisabeth, sa femme insomniaque. Il se dit que ce clochard en avait sans doute connu aussi, des nuits blanches, s'il avait eu une vie normale. Et qu'il avait peut-être des enfants, quelque part; et une maladie terrible, qu'il n'aurait jamais le loisir de découvrir. L'homme était en train de crever dans la rue, il puait déjà la mort, et en attendant il dormait là, « tranquille ».

Avant, les créations de Pirel ne parlaient que de ça: du monde injuste, sale et glacé, sur fond de musique kitsch et de stroboscopes. Ce mélange de beauté formelle et de misère réaliste lui avait valu un important succès d'estime. Un jour, une jeune journaliste lui avait déclaré avec un beau sourire: « Vous donnez une conscience tellement aiguë des choses! quand je vois vos œuvres, j'ai envie de faire attention aux autres. » C'était il y a six ou sept ans. Il avait feint de ne pas relever le compliment. À présent, en marchant vers le boulevard périphérique, il dévorait ce souvenir avec avidité.

Un des nombreux taxis qui tournaient sur la place vint à sa rencontre. Sans hésiter, Robert s'engouffra, dans le métro.

CHAPTER 2

Une jeune fille dans la foule

« Ce que j'aime le plus ici, pensait Julie en arrivant au pot de première que son père venait de déserter, c'est la salade de fruits. »

Julie Pirel avait vingt ans et le théâtre relevait pour elle d'une simple habitude. Il était dix heures du soir. Comme tous les spectateurs de Dernier Cri collés au buffet, elle avait faim. Mais elle avait aussi la timidité généreuse de ceux qui savent observer les gens. Le public était en train de se métamorphoser sous ses yeux en une foule d'individus qui parlent la bouche pleine; ça l'amusait. Elle avait repéré une catégorie de « fans » particulièrement distrayante: les autruches surmaquillées qui cherchaient son père du regard en espérant que ça ne se voie pas.

Julie aurait pu rejoindre les techniciens de la troupe, qu'elle connaissait depuis l'enfance et qui restaient systématiquement dans leur coin pendant les cocktails. Elle aurait aussi pu aller voir les acteurs principaux, qui n'étaient autres que sa mère et son parrain. Elle préférait se tenir en retrait; assise à regarder les autres, tout en échangeant de temps en temps des messages avec son amoureux qui l'attendait chez lui.

Devant les verrines et les flûtes, chacun y allait de son effort pour donner de l'importance à la situation. Il y avait un grand moustachu qui prenait des poses raffinées en dépit de sa tenue médiocre: une veste de costume gris dépareillée avec un jean trop bien repassé. Debout devant deux filles qui l'écoutaient en s'empiffrant, il qualifiait Dernier Cri de « très grande aventure ». Un peu plus loin, Julie fut intriguée par une jeune femme sagement plantée devant une dame sophistiquée et vieillissante. De toute évidence, elle attendait qu'on lui dise « et toi, comment tu vas? », mais la septuagénaire était intarissable, d'abord à son propre sujet, puis sur la pièce, « ce nouveau chef-d'œuvre métaphysique ».

Comme chaque fois, tout le monde était d'accord pour trouver géniale la mise en scène de Pirel. Personne ne voulait gâcher la soirée avec des doutes ou des déceptions.

Julie savourait cette unanimité reposante. Noyée dans la cohue, à la fois invisible et fière, elle jouissait d'être l'éternelle enfant de ses parents. Pour se sentir exister, elle n'avait pas besoin d'autre reconnaissance que leur succès.

Vers 22 h 30, elle en était à son troisième gobelet de fruits lorsqu'on apporta sur le buffet un immense gâteau au chocolat. « Les pots de première sont un peu les goûters d'anniversaire des adultes, pensa-t-elle; pour rien au monde on ne renoncerait à en faire partie. » Quand elle était petite, Julie était ainsi: elle tenait à honorer chacune des invitations qu'elle recevait; peu importait qu'elle aimât ses copines, il fallait être là au cas où il se passerait quelque chose. C'était sans doute le même genre d'espoir qui motivait les foules agglutinées aux cocktails des bons comme des mauvais spectacles.

Bercée par les bavardages, Julie songea à son père et à sa peur de passer à côté de la vraie vie. Il avait coutume de formuler haut et fort ses états d'âme, notamment devant sa fille. Il disait: « Être dans la représentation, c'est forcément renoncer à l'essentiel. » Elle ne répondait pas grand-chose, mais s'endormait toujours, à un moment ou à un autre, devant ses pièces, ce qui était une façon de lui donner raison.

L'essentiel, concédait-elle, ce n'étaient pas les mises en scène de son « pap' », tellement impressionnantes, mais aussi tellement répétitives. L'essentiel, c'était sa mère. Sa mère avec sa beauté inébranlable. Sa maman de plus en plus belle. Ça, c'était intéressant. C'était même fou de voir qu'à chaque nouvelle création elle était là, rayonnante, toujours au rendez-vous de sa propre beauté. Question de lumière, de robe, de maquillage? On n'en savait rien. Quels que soient les personnages que Robert lui inventait, qu'elle ait ou non le beau rôle, elle restait stupéfiante. Julie était la première à savourer ce triomphe énigmatique. Rien que pour ça, elle ne pouvait qu'adorer ses parents: leur couple était une œuvre à part entière.

« Tu arrives quand, ma chérie? Je t'attends (cœur cœur cœur) ».

C'était le quatrième message de Paul depuis qu'elle avait rallumé son téléphone pendant les applaudissements. Les premiers petits mots doux l'avaient amusée. Elle lui avait envoyé en retour quelques icônes affectueuses, avec des phrases concises à propos du spectacle et du buffet. Mais au milieu de ses rêveries enfantines, l'impatience du garçon devenait parfaitement déplacée. Elle décida de ne plus répondre.

À la lumière de ses parents, la vie de couple ordinaire était pour elle sans intérêt. Depuis bientôt deux ans, son père vivait à l'hôtel et personne n'y voyait d'inconvénient. Entre ses répétitions qui finissaient tard et ses tournées qui ne s'arrêtaient pas, il avait soudain jugé inutile de prétendre habiter chez lui, réussissant cet exploit assez considérable: quitter son foyer sans partir. Julie et sa mère l'avaient approuvé: avec un grand artiste, on essaie de collectionner les grands moments, pas d'accumuler les scènes de la vie domestique.

Entre-temps, Julie s'était mise avec le joli Paul; c'était sa première histoire sérieuse. Un garçon très gentil, Paul, et surtout très populaire auprès de ses amies. Cependant, la jeune fille regrettait qu'il ne sache pas l'aimer avec ce mélange de distance et d'intensité que Robert Pirel dosait si bien. Dormir ensemble, manger ensemble, s'ennuyer ensemble, Paul aspirait à toutes ces choses que Julie trouvait désespérément triviales. Bien qu'ayant seulement vingt-trois ans, il possédait un petit appartement où il rêvait de la voir s'installer. Parfois, il parlait de fiançailles; Julie évitait soigneusement le sujet. L'amour du garçon lui faisait peur. Ce qu'elle voulait, c'était admirer tranquillement le modèle de ses parents, surtout pas s'engager dans sa propre existence.

« Paul dit que je suis la femme de sa vie et pourtant il serait bien incapable de me donner des preuves d'amour aussi belles que les rôles de maman. J'aurais peut-être dû faire du théâtre. Pap' m'aurait mise en valeur comme elle. Peutêtre même encore plus. »

Cette idée l'avait distraite un moment, au milieu de Dernier Cri, et puis elle s'était endormie; ensuite, elle s'était concentrée sur la beauté de sa mère, l'héroïne du spectacle, superbe quoique dupée. À présent, de l'autre côté du buffet, la grande actrice à peine démaquillée recevait mille hommages. Une dame plantureuse et bruyante venait de lui faire une marque de rouge à lèvres sur la joue, comme une balafre, en l'embrassant.

– Oh, ma chère Élisabeth, sais-tu où est passé ton mari?

Julie réalisa qu'elle ne s'était pas étonnée un instant de l'absence du « pap' ». Il s'était donc dispensé de son propre pot. Encore une de ces coquetteries charmantes dont il avait le secret, songea-t-elle. Elle savait que les applaudissements agaçaient son père: il lui faisait souvent des blagues sur l'impatience du public qui se défoule sous couvert de dire bravo. « Il a dû rentrer à l'hôtel en métro pour regarder les gens. » Malgré sa candeur volontariste, Julie connaissait bien son père.

« Where are u? » Elle savait que Pirel ne consultait presque jamais ses messages, et ça l'amusait de lui laisser une trace aléatoire qu'il découvrirait peut-être dans plusieurs jours. Il est trop occupé à bouder son succès, pensa-telle en s'en félicitant: au moins, on ne pouvait pas lui reprocher d'être narcissique ou de monter ses créations pour le plaisir d'être acclamé.

En avalant la dernière pêche de son gobelet, Julie se sentit toute nue au milieu du grand hall. C'était souvent ainsi, dans ce genre de soirées: dès qu'elle avait fini de manger, elle ne savait plus quoi faire de sa présence. Elle se mettait à croire que tout le monde la regardait; ça lui donnait envie de s'enfuir en courant.

Tandis qu'elle s'approchait du bar pour poser son verre, quelqu'un (une petite femme du type autruche) la bouscula sans s'excuser, pressée d'atteindre le plateau qui contenait encore quelques flûtes de champagne tiédi. « On est au théâtre, madame, c'est censé être un haut lieu de la civilisation, alors soyez civilisée, d'accord? » Julie avait crié très fort sous l'emprise d'une colère gênée. Elle avait beau aimer la discrétion, elle ne supportait pas de se laisser faire, même dans des incidents insignifiants comme celui-ci.

Elle se demanda si la salade de fruits était aussi bonne que d'habitude, ou si c'était cette foule qui avait fini par lui donner mal au ventre. Elle ressentait une nausée sans précédent. « Je dois devenir allergique au public », s'amusa-telle en s'éclipsant du festin où elle était passée presque inaperçue malgré son visage d'ange et sa silhouette parfaite.

Seule une femme l'avait observée attentivement, quoique de loin, pendant qu'elle mangeait. Une belle jeune femme altière. C'était une actrice; elle jouait l'autre grand rôle dans la nouvelle pièce de Pirel. Entièrement concentrée sur la beauté de sa mère, Julie ne l'avait pas remarquée. À présent, sa nausée tournait au vertige. Elle quitta le théâtre par l'entrée des artistes, comme son père, en regrettant tout de même qu'il ait disparu de sa propre fête. Elle aurait bien aimé le voir avant d'aller dormir chez Paul.

Si Robert était resté au cocktail, sa fille aurait certainement été la seule personne qu'il aurait été heureux de croiser. Il aurait ri de sa gourmandise et de sa légèreté. Elle ne lui aurait presque rien dit sur son spectacle; elle aurait parlé des costumes et des lumières « tellement sublimes sur maman », et puis elle aurait plaisanté sur les admirateurs qui se gavent de petits-fours en prenant des airs inspirés. Robert était comme la plupart des parents: il rêvait que son enfant soit heureuse, ce qui à ses yeux signifiait d'abord « normale ». Il ne voulait surtout pas que Julie ait ses obsessions; sa manie de tout mettre à distance. Il se disait: « Ma fille sera douée pour la vie. »

(Continues…)


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